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Publié le par Rachel Maxime
En collaboration avec Sandra Gaviria (Professeure de sociologie et spécialiste de la famille et de la jeunesse)
De nombreux jeunes vivent encore au domicile de leurs parents. Qui sont-ils? Quelle est la cause? Sandra Gaviria professeure de sociologie à l'Université Le Havre Normandie, fait le point.
Votre enfant est devenu adulte, il a un emploi, une situation financière et ne souhaite pas quitter le nid familial? Il fait partie du phénomène Tanguy. Un phénomène qui fait référence au film d’Étienne Chatiliez sorti en 2001. Dans la comédie, Tanguy, 28ans, est diplômé d’une thèse. Malgré sa bonne situation financière, le jeune homme ne souhaite pas quitter le logement de ses parents. Ils vont alors tout faire pour qu’il prenne son indépendance. Depuis, beaucoup de jeunes sont appelés des «Tanguy», une expression qui pointe du doigt les jeunes en âge et en âge de vivre seuls… mais qui préfèrent rester chez leurs parents.
D’après la dernière Enquête nationale Logement par la Fondation Abbé Pierre (FAP) en 2020, près de cinq millions de jeunes vivent encore chez leurs parents, une hausse de 250000 personnes par rapport à 2013. Malgré cela, la moyenne d’âge du départ du domicile parental en France est autour de 23,6 ans tandis que la moyenne européenne est de 26,5 ans, selon une étude d’Eurostat en 2021.
Des raisons économiques, personnelles et culturelles
Sandra Gaviria, professeure de sociologie et spécialiste de la famille et de la jeunesse, nous explique les raisons qui peuvent expliquer pourquoi un jeune adulte vit toujours au domicile de ses parents: «Ça peut être un jeune qui n’a pas les moyens économiques de partir ou qui a des projets personnels. Cela peut êtrepar exemple ceux qui font des études très difficiles, qui se disent que cela va leur demander beaucoup d’investissement donc préfèrent rester car l’intendance est assurée par les parents. D’autres veulent habiter avec leur compagne ou compagnon qui est encore en études supérieures. Le choix qu’ils ont fait est de vivre chez leurs parents pour économiser jusqu’à la fin de leurs études pour emménager par la suite ensemble.»
Elle tient à rassurer ces jeunes qui ne coupent pas le cordon ombilical: «Dans les années 2000, ce jeune qui restait longtemps chez ses parents, était très stigmatisé et ses parents aussi. Ce qui a changé progressivement c’est qu’il y a de plus en plus de va-et-vient entre le départ et le retour chez les parents et que les jeunes sont de plus en plus victimes du système, victimes des difficultés à l’accès au logement, victimes des prix des logements.». Sandra Gaviria ajoute que le «phénomène Tanguy» est culturel. «L’Espagne ne considère pas que pour devenir adulte il faut s’éloigner. Il n’y a pas l’idée qu’être proche des autres est négatif. Les choses ont évolué et cette idée est moins forte que par le passé. En revanche, les pays nordiques comme le Danemark ou la Norvège considèrent qu’il est bien de s’éloigner de la famille, des pays où l’âge de départ est beaucoup plus tôt.Des aides sont mêmes proposées pour inciter les adultes à partir.»
Différence entre le phénomène Tanguy et la génération boomerang
La génération Tanguy se différencie de la génération boomerang, dans laquelle les adultes retournent chez leurs parents.Sandra Gaviria explique: «Un jeune qui n’est jamais parti va mettre en avant son envie de partir pourvivre une expérience Érasmuspar exemple, tandis que ceux qui sont partis et revenus, ont une autre problématique. Pour les jeunes de la génération boomerang, c’est plutôt «je suis là parce que j’ai des projets de formation et je vais repartir, j’ai eu une rupture amoureuse qui a été difficile et je veux me reconstruire pour repartir, j’ai fait des études, je n’aime plus et je veux rechanger de voie ou encorej’ai un projet de construction d’un bien immobilier donc je retourne chez mes parents pour éviter encore plus de dépenses.»
Néanmoins, la question de l’intimité amoureuse se posepour la génération boomerang: «Quand le jeune est parti et revient chez les parents, il se sent moins à l’aise d’amener la petite copine ou le petit copain. En revanche, ceux qui ne sont jamais partis n’ont aucune difficulté à l’amener chez ses parents».
Génération Tanguy ou génération boomerang, l’enfant a de multiples raisons de choisir de rester chez ses parents. Doivent-ils pour autant s’en inquiéter? Pour la sociologue, un jeune qui reste trop longtemps au domicile familial peut inquiéter ses parents s’il fait partie des «jeunes adultes qui ne se sentent pas prêts à gérer leur vie ou n’ont ni la maturité ni la capacité de vivre seuls.» Elle poursuit: «Le rôle des parents est d’être sûr que leurs enfants ont cette capacité d’autonomie et d’indépendance.L’autonomie est un processus qui s’apprend progressivement pour qu’il soit capable de gérer sa vie. Cet apprentissage se fait avec les parents.»
Faut-il instaurer des programmes scolaires visant à préparer les adolescents à la parentalité avant qu’ils ne deviennent parents eux-mêmes ?
86 votes – Voir le résultat
Laurence Segond
Oui
il y a 3 mois
Sans rajouter aux contenus d´enseignement qui sont déjà bien complets, il pourrait être intéressant d’étendre cette notion de parentalité positive aux...Lire plus
Lire 25 arguments Oui
Dorothée L
21 points
Non
il y a 6 mois
À l'école on apprend déjà à devenir citoyen, quelques droits, quelques règles de société, avec la philosophie on apprend à réfléchir sur le sens, la c...Lire plus
Lire 27 arguments Non
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